16ème R.I. AU GRAND-ROZOY

- MORT D'HENRI MAIRESSE

Ces quatre lettres d'Henri Mairesse, sont parues, avec l'autorisation de la famille, dans le N° 52 de "Notre Coin". En juillet 1918, le 16ème R.I., avec le 98ème et 105ème, fait partie de la 25ème D.I. (30ème C.A., Xème Armée), qui est engagée du 26 juillet, vers le Plessier-Huleu, à partir du 29, combats aux abords du Grand-Rozoy, puis poursuite jusqu'à la Vesle atteinte le 4 août.

Lettre d'un soldat à sa famille

Le Journal Notre Coin publie, en accord avec sa famille, des lettres qui furent échangées par un soldat de Marseille, Henri Mairesse, à sa femme Andréa et son fils André, pendant la deuxième bataille de la Marne en juillet 1918, qui combattait dans notre région et fut tué à Grand-Rozoy.

Le 17 Juillet 1918

 

Chère Andréa, cher André

Je viens de recevoir la bonne lettre dans laquelle tu m'annonces n'avoir encore rien reçue du 84e RI. Si au reçu de ma lettre tu n'as pas touché, tu feras une petite lettre conçue en ces termes :

"Monsieur le Trésorier du dépôt du 84ème R.I. à Brives (Corrèze)

Je me permet de vous écrire au sujet de la délégation que je n'ai pas encore touchée, en raison de ce retard, peut-être y-a-t'il eu lui oubli. Recevez Monsieur mes salutations distinguées.

Signé : Mme Mairesse Henri, 240 Bd Baille - Marseille. "

Dans le cas où tu ne recevrais pas de réponse n'oublie pas de m'aviser.

Quant à la permission je crois que je puis en faire mon deuil. Tu dois savoir qu'elles sont supprimées.

Bien des amitiés à tous nos amis et voisins, remercie les des lettres charmantes que j'ai reçues. Excuse moi près d'eux de ne pouvoir leur répondre, car en ce moment nous faisons mouvements et de plus avec mes nouvelles fonctions je suis très occupé.

Bons baisers à André et Marcel et en attendant de ses bonnes nouvelles, je t'embrasse de loin.

Ton Henri qui t'aime pour la vie.

Henri Mairesse

Le 19 Juillet 1918

 

Chère Andréa , Cher André,

Milles remerciements pour les vœux que forme Nénette, mais je crois que ce n'est pas le moment. Donnes lui une bonne (caresse ?) de ma part et incite la à prendre patience.

Nous faisons mouvement sans doute pour aller vers les opérations actuelles. Depuis hier les chances sont tournées de notre côté, et tandis que de la Marne nous contenons les boches, notre brillante offensive déclenchée sur la gauche de leur front d'attaque nous a permis de faire des prisonniers et d'exécuter une avance assez notable.

Souhaitons de tout cœur que les chances ne s'arrêteront pas là, et que bientôt le puissant édifice allemand s'écroulera.

Mes nouvelles fonctions d'officier adjoint, bien qu'assez chargées avec tous ces déplacements ne me déplaisent pas trop. J'ai un cheval à ma disposition et une ordonnance en plus pour le soigner.

Tu m'adresseras mes lettres : Officier adjoint 2ème bataillon - 16ème RI.

J'espère que tu as enfin touché la délégation, c'est étonnant que tu ais attendu aussi longtemps. je ne m'explique pas la chose.

Comme toujours bonnes amitiés à tous nos amis et voisins, bons baisers à André et Marcel et en attendant de tes bonnes nouvelles, je t'embrasse bien tendrement de loin.

Milles gros baisers de ton Henri qui t'aime pour la vie.

Le 26 Août 1918

 

Madame,

Je sais à quelles dures épreuves vous avez été soumise depuis le début de la guerre. Votre mari le sous-lieutenant Mairesse que j'avais connu officier adjoint depuis un mois m'avait confié combien toute votre famille a eu à souffrir de l'invasion étrangère. Mais une épreuve plus cruelle encore vous était réservée, épreuve pour laquelle il faut faire appel à tout votre courage, à toute votre résignation.

J'ai attendu quelques jours pour vous apprendre la terrible nouvelle, vous m'excuserez, Madame, mais j'avais moi-même besoin de me remettre de ces dures journées.

Le sous-lieutenant Mairesse est mort au champ d'honneur le 29 Juillet dernier. Perte irréparable, je prends une très grande part à votre douleur, car votre mari était un officier que j'estimais beaucoup et que j'aimais. Il avait été pour moi un auxiliaire précieux d'un dévouement absolu, d'un zèle inlassable.

Mais soyez fière de lui, Madame, sa conduite le 29 juillet a fait l'admiration de tous.

Pendant toute l'attaque (attaque du village de Grand-Rozoy) il a fait preuve d'un allant magnifique, d'une bravoure superbe, entraînant par son exemple les groupes qui se trouvaient à proximité de lui. Il n'est touché qu'en fin de journée, frappé en pleine poitrine de deux balles de mitrailleuse. Il n'a pas souffert, il a eu la plus belle mort que puisse rêver un soldat, il est mort en pleine victoire après avoir eu la satisfaction de faire de sa main de nombreux prisonniers.

Il repose maintenant à côté des camarades du bataillon qui trop nombreux, hélas, ont payé de leur vie le succès de la journée.

Vous pouvez retrouver sa tombe à 200 mètres environ au Nord du village de Grand-Rozoy.

Le service de santé du bataillon a recueilli les quelques papiers qu'il avait sur lui, l'officier de détail du régiment vous les fera parvenir.

Dans le cas où vous auriez besoin de renseignements, je me mets à votre entière disposition.

Je vous prie de vouloir bien accepter avec mes hommages respectueux mes bien vives condoléances.

Signé .... commandant le 2ème bataillon du 16è- Régiment d'Infanterie - SP100.

Montbrison le 1er Novembre 1919

 

Madame,

 

Je vous prie de m'excuser de répondre aussi tardivement à votre lettre, mais en septembre et octobre dernier j'étais en permission.

Votre pauvre mari a bien été enterré à proximité du village de Grand-Rozoy à environ 200 mètres du village.

Par erreur il a été enterré par les brancardiers du corps d'armée avec 16 ou 17 sous officiers, caporaux ou soldats du bataillon. Si les bouteilles contenant la liste des camarades inhumés sont encore intactes, il vous sera facile de retrouver la tombe.

Il n'y a que deux grosses tombes pour le 16ème RI. Le corps de votre cher mari repose dans la tombe N° 2 qui a été creusée à l'emplacement même où il a été tué.

J'espère que ces renseignements vous permettront de retrouver le corps de votre cher disparu. Je vous prie de croire que je regrette beaucoup pour vous ce nouvel ennui. Recevez l'assurance de mes sentiments de respectueuse sympathie.

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