LA 73ème D.I. DANS LES COMBATS DE LA FIN MAI ET JUIN 1918

LA 73ème D.I. DANS LES COMBATS DE LA FIN MAI ET JUIN 1918

Merci à Madame Tania Sotty-d'Aubrydolles, journaliste à "Armées d'aujourd'hui" qui nous a remis ce texte qui est la reprise d'une conférence faite le 29 Mai 1921 à l'École Militaire de Paris. Cette conférence a été préparée par le Général Lebocq qui commandait la 73ème D.I. en Mai et Juin 1918.

I - Situation générale sur le front de France fin Mai 1918

Le traité de Brest-Litowsk, le 3 mars 1918, avait sanctionné la trahison russe. Cette trahison entraîna l'écrasement de la Roumanie, qui dut, à son tour, cesser la lutte et signer le traité de Bucarest, le 7 mai.

Guillaume II avait promis aux maximalistes de ne pas employer sur le front occidental les troupes allemandes libérées par leur trahison. La candeur russe pouvait, peut-être, se contenter d'un serment de ce genre; mais la bonne foi allemande était trop connue pour que la France pût se faire la moindre illusion sur le cas que nos adversaires ferait d'une telle promesse.

En réalité, la défection russe rendit immédiatement disponibles 50 divisions allemandes et un matériel de guerre considérable. Ludendorff les dirigea en hâte vers la France, espérant déterminer par leur concours la décision urgente qu'il lui fallait obtenir, .à tout prix, sur le front occidental avant l'arrivée des Américains.

Tout en affectant de ne pas croire au péril américain, Ludendorff était trop avisé pour ne pas se rendre compte de l'appoint considérable de cette armée pleine d'enthousiasme, admirablement outillée et équipée, pouvait apporter à l'Entente. Il espérait toutefois qu'elle serait engagée trop tard, ou, qu'insuffisamment instruite, et lancée inconsidérément dans la fournaise, elle n'aurait ni le temps ni la puissance de résister à l'assaut final qu'il allait donner vers Paris. Il convenait donc de se hâter.

La première grande offensive allemande mit en ligne 900.000 hommes (205 divisions dont 50 ramenées du front oriental).

Son but fût de séparer l'Armée anglaise de l'Armée française en attaquant dans la région où se faisait la jonction entre ces deux armées.

Si cette offensive en direction de Saint-Quentin Noyon réussissait, Ludendorff se berçait de l'espoir de rejeter les Anglais à la mer et de marcher par la vallée de l'Oise droit sur Paris pour y dicter 1a paix.

Les particularités de l'offensive allemande du 21 mars mettent en lumière les principales caractéristiques des grandes affaires de 1918.

1° Réunion dans le plus grand secret (en utilisant au maximum les marches de nuit, les défilements des couverts du terrain et le camouflage, de grandes masses d'assaut, sur un front relativement restreint, pour obtenir la surprise.

2° Emploi de bombardements dont la durée assez brève est compensée par l'emploi en grande masse d'obus toxiques et fumigènes.

3° Emploi des bombardements par avions et par canons à longue portée des villes, cantonnements, et parcs de l'adversaire dans le but d'affaiblir le moral des troupes et des populations.

4° Dans le combat même, des aviateurs descendent très bas, mitraillent les renforts et les convois ennemis et retardent l'arrivée des renforts.

Du côté des Alliés, les caractéristiques des mesures prises pour tenir tête à tout prix avaient été les suivantes :

1° La répartition des troupes disponibles sur le réseau ferré et routier en prévision d'un certain nombre d'hypothèses, pour chacune desquelles une manoeuvre étudiée et organisée serait déclenchée pour arrêter l'offensive ennemie.

2° Le transport rapide des troupes disponibles en wagons ou en camions en utilisant au maximum les. voies ferrées et les routes pour endiguer le plus tôt possible l'irruption de l'offensive ennemie, si, elle réussissait à rompre le front.

L'offensive de Ludendorff avait été admirablement montée, le secret fort bien gardé et 1a lutte fut menée avec la volonté d'aboutir et l'opiniâtreté dans le sacrifice que savent donner les Allemands à leurs attaques.

Mais Ludendorff trouva en face de lui des adversaires dignes de lui. L'unité de commandement, réalisée le 30 mars, avait enfin donné au général Foch la direction effective des opérations de toutes les troupes du front occidental. Le général Pétain par son énergique appel aux combattants de la Marne, de l'Yser et de Verdun, sut galvaniser chefs et soldats. Les généraux Fayolle, Humbert et Debeney, par leur vigoureuse intervention, barrèrent à l'ennemi le chemin de Paris, par l'Oise, et réalisèrent à nouveau la soudure entre les armées française et anglaise

Les Allemands tentèrent en vain des diversions en Flandre (1-27 avril) et sur l'Ailette (Chauny-Coucy) (6 avril).

Leur deuxième offensive en direction d'Amiens (15-30 avril), après de rudes combats, fut définitivement jugulée. Toutefois, nous ne pouvions encore opposée que 172 divisions aux 212 divisions allemandes reconstituées, et Von Hutier disposait, entre La Fère et Montdidier, d'une base offensive d'une quarantaine de kilomètres.

Le péril le plus directement menaçant semblait toujours être dans la direction de la vallée de l'Oise et de la Somme. C'était, non seulement, le danger qui paraissait le plus immédiatement à craindre; c'était aussi celui qui paraissait devoir être le plus gros de conséquences; car, la chute d'Amiens, l'avance des Allemands vers la basse Somme... c'était l'isolement de l'Angleterre et la menace directe sur Paris; c'était un danger militaire; mais c'était également un danger économique et politique.

Pour ces motifs, le commandement suprême des Alliés n'hésita pas à rassembler et à articuler ses troupes disponibles en fonction, en première urgence, d'une reprise de l'offensive allemande en Picardie.

A titre d'indication, il y avait en arrière du front :

1 groupement de D.I. à Doullens.

1 groupement de D. I. à l'ouest d'Amiens.

1 groupement de D. I. à Beauvais

1 groupement de D. I. vers Compiègne

Soit une douzaine de divisions prêtes à intervenir vers les points sensibles de la région entre l'Oise et la mer. Le mois de mai se passa dans l'attente anxieuse de l'attaque ennemie. Les renforts américains n'étaient pas encore suffisamment prêt pour qu'on pût songer à prendre, à cette époque, l'initiative des opérations : force fut donc, au général Foch, d'attendre l'attaque, tout en se tenant prêt à la riposte.

Les considérations exposées plus haut avaient conduit à diminuer la densité des troupes sur les fronts sur lesquels le danger d'une offensive paraissait moins immédiat et moins gros de conséquences.

Le 27 mai, la deuxième grande attaque allemande se produit. Comme l'attaque du 21 mars, elle a été préparée avec des précautions inouïes pour garantir à l'opération l'effet de surprise. Les marches de nuit, la discipline stricte des bivouacs et cantonnements pendant le jour, le camouflage des batteries nouvelles ont permis la réalisation de cette opération invraisemblable : Amener en secret, prêtes à l'attaque: 40 divisions ! (dont 15 ou 16 en première ligne) appuyées par une artillerie considérable sur un front d'une quarantaine de kilomètres.

La VIIe armée allemande (Von Boehm), le 27 mai 1918, entre 3 h. 30 et 4 heures en présence de Guillaume II, s'élance en trombe avec des chars d'assaut armés de mitrailleuses, et refoule les 9 divisions franco-anglaises, qui défendent le Chemin des Dames et la région de Berry-au-Bac.

Après une résistance héroïque, elles furent submergées. A midi, les Allemands franchissent l'Aisne entre Vailly et Berry-au-Bac, sur nos ponts intacts; ils prennent pied sur le plateau entre Aisne et Vesle. Le 28, les Allemands sont à 6 ou 8 kilomètres au sud de la Vesle.

Les renseignements obtenus sur l'attaque allemande du 27 mai permettent d'affirmer que l'objectif primitif de cette offensive était précisément la conquête des plateaux à 6 ou 8 kilomètres au sud de la Vesle, entre Soissons et Reims; cette conquête devait être suivie d'une exploitation du succès qui consistait en de nouvelles attaques, aux ailes, sur Soissons d'une part et sur Reims d'autre part.

Mais, en présence da la facilité du succès des groupements de divisions du centre (Von Winckler et Von Conta), qui arrivèrent, le 28 au soir, sur leurs objectifs, avec des pertes insignifiantes, il semble qu'une première modification fut apportée à l'ordre primitif. Un conseil de guerre fut tenu, le 28, vers Berry-au-Bac auquel assistaient l'empereur, le kronprinz, Himdenburg, Ludendorff et les commandants des VIIème et Ière armée (Von Boehm et Von Below); il semble que c'est à la suite de cette conférence qu'il fut décidé que le groupe d'armée du kronprinz exploiterait différemment le succès obtenu et que le nouveau plan adopté serait le suivant :

1° Obtenir une solide tête de pont au sud de la Marne afin d'avoir une base de départ en vue d'opérations ultérieures.

2° Hâter les attaques du plan primitif sur les ailes (Soissons et Reims), en profitant de la situation de l'ennemi, dont les réserves doivent affluer vraisemblablement vers la région au sud de Fismes.

En conséquence, les .groupements de divisions Winckler et Conta, au lieu de relever leurs divisions d'assaut par des divisions de valeur médiocre, pour l'organisation du terrain conquis, et de remettre leurs divisions d'élite en deuxième ligne, en prévision d'attaques nouvelles dans d'autres directions, sont poussés avec la dernière énergie vers la Marne qu'ils ont pour mission d'atteindre au plus tôt.

Le général commandant la 231ème D.I. (groupement Von Conta) écrit, le 29 au soir : "C'est une question d'honneur pour nous d'atteindre la Marne, demain"

Les conséquences de l'ordre impérial du 28 ont été graves pour nous. Le 29, à l'ouest, Soissons est perdu, et, au centre, l'ennemi atteint Fère-en-Tardenois. Le 30, la bataille fait rage sur tout le front; la ligne atteinte par les Allemands s'étend, du sud de Soissons, aux abords de Reims, en passant par Vierzy, Oulcly-le-Château, Verdilly, Gland et Jaulgonne (sur la Marne.), Verneuil, Ville-en-Tardenois.

Les premières divisions françaises (4e, 43e, 164e D. I., 10e D. I. C., 20e D. I.) lancées au-devant de l'attaque allemande offrent une résistance héroïque. Les Allemands alimentent leur offensive en intercalant leurs divisions de seconde ligne, entre les divisions déjà engagées, de manière à maintenir à chaque unité un front d'attaque restreint, malgré l'étirement sans cesse croissant de la ligne de bataille.

II en résulte que le 30 au soir:

- Toutes les réserves allemandes sont absorbées au centre (vers la Marne).

- Une seule division reste disponible entre Marne et Ourcq.

- Cinq divisions restent disponibles entre Ourcq et Soissons.

- Une seule division reste disponible entre Marne et Reims.

Une nouvelle conférence a lieu près de Fismes. L'empereur et Hindenburg y prennent une décision, qui modifie, à nouveau, le plan primitif de l'attaque du 27 mai. Les disponibilités allemandes ne permettent pas d'attaquer, de suite, en direction de Reims (où de Château-Thierry où d'ailleurs les Alliés ont dû, vraisemblablement, faire converger le gros de leurs réserves) le haut commandement ennemi se décide à monter une attaque d'ensemble pour le 3 juin. Le but de cette attaque est de conquérir la région boisée de Villers-Cotterêts, Compiègne et de marcher sur Paris en contournant cette région.

En conséquence, la XVIIe armée (Von Hitier) attaquera entre Montdidier et Noyon en direction de Compiègne; la VIIe armée (Von Boehm) attaquera entre la Marne et Soissons, en direction de Villers-Cotterêts. Ces deux attaques créeront un saillant dans le dispositif français; l'ennemi espère y prendre les défenseurs dans une tenaille, ou, tout au moins, les forcer à l'évacuer, ce qui procurera un gain de terrain considérable et ouvrira la route de Paris.

Pendant cette attaque principale, l'ennemi continuera. à l'Est, à essayer d'encercler Reims, et au centre, à tenter de créer une tête de pont au sud de la Marne, pour la faire organiser ensuite par des divisions de position.

Telle se présente la situation le 31 mai au matin, date à laquelle commencent les opérations qui font l'objet de cette étude. Les Allemands jouent leur dernière carte; ils sont à 70 kilomètres de Paris, où ils comptent dicter la paix, dans quelques jours; l'anxiété règne en effet dans la capitale, car on y entend gronder le canon de la bataille, et, les bombardements à longue portée font chaque jour, des victimes dans les rues de la ville.

Les Français sentent que l'heure est décisive et que le sort du pays est en jeu.

II - Description sommaire du pays entre Marne et Ourcq.

Son importance dans la situation des belligérants de 1918. - Sa possession ouvre aux Allemands la route de Paris, au sud de la forêt de Villers-Cotterêts.

La région du Tardenois et de l'Orxois s'étend entre Vesle et Marne. C'est une région de plateaux cultivés, riches et fertiles. Les vallées de l'Ardre, de l'Ourcq, du Ru d'Alland, du Clignon y creusent des sillons orientés, dans l'ensemble, de l'Est vers l'Ouest. Le fond des vallées est formé de prairies verdoyantes plantées de peupliers; leurs pentes sont souvent couvertes de bois de taillis assez difficilement pénétrables. Les plateaux dominent le fond des vallées d'environ 60 à 80 mètres. (Voir croquis N° 1)

Lignes de Front

Les voies ferrées de Fismes à Château-Thierry (par Oulchy-Breny); de Fismes à Meaux (par la Ferté-Milon); de Soissons à Oulchy-le-Château; de Neuilly-Saint-Front à Château-Thierry ou à Mareuil-sur-Ourcq, traversent la région. Les routes sont nombreuses et excellentes. Le parcours à travers le pays est facile. Toutes les voies de communications de cette partie de l'Ile de France contournent par le sud la grande région boisée de Villers-Cotterêts et convergent vers Meaux et Lagny, aux portes de Paris.

Le seul examen de carte montre que la possession, pour les Allemands, des plateaux du Tardenois et de l'Orxois était comme la dernière étape vers la proie tant convoitée et jamais atteinte : vers Paris, où ils comptaient dicter la paix. L'énergie de nos troupes, l'intelligence de nos chefs, l'arrivée opportune des premières divisions américaines engagées au feu, devaient transformer en défaite le succès décisif qu'ils croyaient déjà tenir.

L'inébranlable ténacité de nos fantassins dans l'Orxois et le Tardenois allait permettre au généralissime français de se ménager à l'abri des futaies de la forêt de Villers-Cotterêts l'effet de surprise de juillet, qui fut la réplique (et quelle réplique!) de la surprise allemande du Chemin des Dames.

Comment les troupes submergées et démoralisées de l'Ailette se muèrent-elles en les troupes fermes et inébranlables de l'Orxois ? Comment le flot` de l'invasion fut-il endigué, puis arrêté, puis refoulé sur les plateaux de Belleau, d'Hautevesne et de Chézy ? Tel est le but de l'étude que je vais avoir l'honneur de développer devant vous.

III - A. - Composition des D. I. françaises engagées dans l'Orxois.

B. - Situation de la 73e D. I. à la fin de Mai 1918. - Son transport vers Château-Thierry. - Cantonnements au débarquement. - Missions éventuelles prévues pour la D. I. - Ordres donnés en conséquence.

Les faits exposés au cours de cette conférence sont en grande partie extraits de l'historique de la 73e D. I.

Pour pouvoir suivre avec profit l'exposé qui va suivre, il importe d'être fixé sur la composition de cette division et des unités voisines.

A. - COMPOSITION DES DIVISIONS

73e D. I.- Général LEBOCQ, ct la D. I.

Colonel André SIMON, ct l'I. D.

Colonel GAVINI, ct l'A. D.

Infanterie : 346e R. I.-Lt-Colonel ROZIER.

- 356e R. I.-Lt-Colonel LAMBOLEY.

- 367e R. I. Lt-Colonel MARÉCHAL.

- 45e R. I. T.

Artillerie: - 239e R. A. C.

Génie: Compagnie 26/3. - Compagnie 26/53.

Cavalerie: Escadron divisionnaire. C.I.D. /73

Les hommes de la 73e D. I. étaient en majorité des réservistes des beaux régiments de Toul d'avant-guerre. On comptait dans leurs rangs un bon quart de Parisiens. lls avaient fait leurs preuves dans les combats antérieurs, en particulier au BOIS LE PRÊTRE.

4e D. I. - Général REMOND, ct la D I.

Infanterie.: - 120e R. I.

- 147e R. I.

- 9e B. C. P.

- 18e B. C. P.

Artillerie: - 42e R. A. C.

43e D. I.- Général MICHEL, ct la D. I.

Infanterie : - 149e R. I.

- 158e R. I.

- ler B. C. P.

- 31e B. C. P.

Artillerie : - 12e- R. A. C.

164e D. I.- Général GAUCHER, ct 1a D. I.

Infanterie: - 133e R. I.

- 152e R. I.

- 41e B C P

- 48e B C P 3ème groupe de Bataillons

- 59e B C P de Chasseurs

Artillerie : - 232e R. A. C.

167e D. I.- Général SCHMIDT, ct la D. I.

Infanterie: - 170e R. I.

- 174e R. I.

- 409e R. I.

Artillerie : - 222e R. A. C.

B.-SITUATION DE LA 73e D. I. FIN MAI

SON TRANSPORT. - SES PREMIÈRES MISSIONS

A la fin de Mai, la 73e Division faisait partie du Groupement de D. I. de la SOMME (avec les 26e et 164e D. I.). Le 28 Mai, les trois Divisions furent alertées et tenues prêtes à faire mouvement vers la MARNE. Le 30, les éléments non montés de la 73e D . I. (y compris l'artillerie), sont dirigés par camions et autos sur MEAUX.

Les éléments montés et les équipages font mouvement par voie de terre. Ils arrivent, le ler Juin, dans la région CREPY-EN-VALOIS. Le 31 mai matin, l'infanterie débarque des camions à la FERME DE PARIS (12 km. ouest de CHATEAU-THIERRY) et cantonne dans la région TORCY, BELLEAU, LUCY - LE - BOCAGE, COUPRU. - Q. G. à COUPRU. (Voir croquis N° 2)

Débarquement et déploiementde la 73ème DI le 31 Mai 1918

La 73e D. I. est stationnée en arrière du front du 21e C. A., Général DEGOUTTE; elle est mise à la disposition du Général Commandant ce C. A. Le front tenu par le C. A. le 31 Mai matin, est jalonné en gros par la route de SOISSONS à CHATEAU-THIERRY et le cours de la MARNE en amont de cette dernière ville.

La zone d'action du 21e C. A. est limitée au nord par la ligne générale MAISON-BLANCHE, LATILLY, VEUILLY-LA-POTERIE. Au nord de cette ligne, le front est tenu par le 7e C. A. dont la 4e D. I. forme la droite. Les D. I. en ligne, le 31 Mai, sont, du Nord au Sud: 43e D.I,. la 164eD.I,. la l0e D. I. C.

Le Général Commandant la 73e D. I. est mis au courant de la situation générale et reçoit les missions éventuelles suivantes :

S'opposer au débouché de l'ennemi vers MEAUX

Arrêter l'avance ennemie dans la région de LATILLY

Contre-offensive éventuelle dans la direction d'EPIEDS (nord-est de CHATEAU-THIERRY)

En conséquence, le Général prescrit de prendre entre BOURESCHE et BELLEAU un dispositif permettant à la D.I. de remplir l'une ou l'autre des missions indiquées :

356e - Face à CHATEAU-THIERRY.

A. C. à. ESSOMES - FERME GRAND RU

357e - Face à EPIEDS

A. G. ETREPILLY - COTE 182

346e - Face à LATILLY

A. G. vers-MONTHIERS.

Il se met en liaison avec 1e Général Commandant la 43e D. I. à ETREPILLY et apprend que l'artillerie de cette D. I. est en position sur 1e front SOMMELANS, BONNES, ETREPILLY. Cette artillerie est en action.

A ce moment on apprend que la situation se gâte au 7e C. A. (Général de BAZELAIRE) et que la 4e D.I. est violemment attaquée dans la région de ROZET-SAINT-ALBIN.

La 73e D. I. reçoit l'ordre d'alerter son régiment le plus au Nord et de le tenir prêt à marcher en direction de NEUILLY-SAINT-FRONT pour assurer la sécurité de la gauche du 21e C. A.

IV - La pression allemande devient de plus en plus violente.

Les troupes sont lancées aux points les plus menacés. - Les trois régiments de la 73e D. I. sont en première ligne le 31 Mai soir, en trois régions différentes.

Le rassemblement articulé ordonné par le général commandant la 73e D. I. permettait de réaliser l'engagement de la D, I. pour remplir l'une ou l'autre des trois missions qui lui avaient été assignées. L'artillerie organique de la D. I. (239e R. A. C.) n'étant pas encore arrivée et avait été provisoirement remplacée par trois groupes du 219e R. A. C. Si l'on avait été en situation normale, la D. I. aurait donc pu être engagée au complet - en infanterie et artillerie - et la mise en oeuvre coordonnée de ses moyens aurait pu produire, dans un secteur déterminé, une action puissante bien monté et organisée.

Mais il n'était pas possible d'agir ainsi. Il fallait parer au plus pressé; il fallait d'urgence fermer les brèches que l'ennemi tentait d'ouvrir dans la ligne de bataille française.

En conséquence, des trois missions éventuelles indiquées précédemment à la 73e D. I., deux lui furent attribuées, de suite et simultanément, et il en résulta une dispersion de ses régiments, d'abord en deux groupements, puis en trois, séparés par des éléments appartenant à quatre autres divisions.

La menace d'un débordement du 21e C.A. par sa gauche, par suite du fléchissement de la droite du 7 e C.A. (4e D.I.) fit transformer en ordre d'exécution l'ordre préparatoire précédemment envoyé au régiment de gauche de la 73e D.I.; puis, cette menace grandissant, ce ne fut plus un régiment, mais deux (346e et 367e) chacun avec un groupe d'artillerie, qui furent désignés pour agir en direction générale de Latilly et de Rassy pour couvrir la gauche ,du 21e C. A.; et la 73e D. I.; (moins le 356e) passa aux ordres du général commandant le 7e C. A.

D'autre part l'ennemi devenait de plus en plus pressant dans la direction de Château-Thierry; le 356e dut se consacrer, avec deux bataillons, à la mission de barrer la route de Château-Thierry à Meaux, le 3e bataillon étant consacré à la défense de Château-Thierry même.

a) - Engagement des 346e et 367e.

Le 346e, au moment où il reçut l'ordre de se porter vers le Nord, était dans la région de Monthiers. Il prit ses dispositions pour exécuter l'ordre donné : "Se porter vers Rassy, avec mission de couvrir la gauche du 21e C.A.". Le 346e réussit à franchir, sans encombre la grande crête de Grenouillère Chézy-en-Orxois.

Le 367e devait marcher dans les traces du 346e jusque Monthiers, puis s'infléchir vers l'Est en direction de Latilly.

Des difficultés matérielles considérables rendirent la marche très pénible et très lente. Il n'y avait ni éclaireurs montés, ni agents de liaison montés. Les officiers étaient tous à pied. Cette circonstance fit qu'un faux renseignement permit de croire que l'ennemi avait atteint les bois au nord-est de Bonnes.

Le lieutenant-colonel commandant le 346e prit des dispositions pour se mettre en mesure d'arrêter l'ennemi dans la région de Bonnes; quand, vers 11 heures, il sut que la 43e D. I.(très fortement attaquée, en effet, vers Grisolles et Latilly) avait tenu bon sur ce front, il reprit; sa marche vers le Nord-Ouest; mais il résulta, de ces mouvements inutiles, un retard considérable dans la marche des 346e et 367e.

Cependant la situation à la 4e D. I. était devenue plus critique encore que précédemment, et la 73e D.I. reçut du commandant le 7e C. A. l'ordre suivant :

"Le 367e aura pour mission d'empêcher l'ennemi de déboucher de Neuilly-Saint-Front et de Marizy-Saint-Mard. Le 346e se portera entre Dammard et La Ferté-Milon pour former échelon en arrière de la gauche de la 4e D. I.".

"Les deux compagnies du génie prolongeront à droite ce régiment vers Monnes." "L'artillerie (2 Gr. du 219e) se portera vers Chézy en Orxois, avec zone d'action entre Neuilly-Saint-Front et La-Ferté-Milon. Les éléments d'infanterie et du génie passeront pour ces mouvements, aux ordres de 1a 4e D. I."

"Les éléments de la 4e D. I, refoulés par l'ennemi, se reconstitueront au sud du Ru d'Alland."

En exécution de cet ordre, le 346e occupa vers 19 heures les positions suivantes :

5e Btn: crête au sud de Rassy.

6e Btn: cote 167, Ferme Lessard.

Le 4e Btn ne fut relevé à Bonnes, par 367e, que vers 16 heures 30 et ne put rallier le régiment que dans la nuit; il se plaça en réserve, à Chevillon, le ler juin vers 3 heures.

P. C. colonel : Chevillon.

A gauche du 346e, des éléments épars du C. I .D. et de 1'E. D, de la 4e D. I. sont vers Passy-en-Valois.

A droite du 346e des éléments du 120e tiennent en face de Rassy et un bataillon du 133e est installé face à l'Est (en équerre par rapport au 346e) entre la Crête de Rassy et la Crête de la Grenouillère, barrant la vallée du Ru d'Alland.

Sous la protection de cette ligne établie, tant bien que mal, sur la crête de Rassy - Dammard, les autres éléments de la 4e D I. ont reflué vers Chevillon et au delà.

Le 367e, au reçu de l'ordre prescrivant à la 73e D. I. de se porter vers le Nord, avait reçu comme point de direction générale : Latilly. Il suivait le 346e qui marchait sur Rassy et devait ensuite déboîter à droite pour obliquer vers Latilly.

Le mouvement vers le Nord ne rencontra aucune résistance, et, le régiment paraissait devoir atteindre sans difficulté la crête de la ferme de l'Hallondray, puis la crête de Latilly. Mais, sur sa droite, le crépitement des mitrailleuses créait une impression angoissante qu'augmentait la vue de nombreux soldats de divers corps refluant des directions de Grisolles et d'Epaux-Bezu.

Ces troupes se repliaient d'ailleurs en ordre et sans être pressées par l'ennemi; elles donnaient comme motif de leur mouvement rétrograde le fait "qu'elles devaient être relevées". Le lieutenant-colonel Maréchal arrêta et reporta en avant tous ceux de ces éléments qui passaient à sa portée. Mais il estima dangereux de continuer sa marche sans savoir ce qui se passait en avant de lui et a sa droite. Il était 14 h. 30.

Une heure plus tard, le lieutenant-colonel sut que de nombreux Allemands avaient franchi la route de Soissons à Château-Thierry, vers, Etrepilly. Il se couvrit à droite par son 4e bataillon, poussé vers Etrepilly et ne perdant pas de vue sa mission qui était de marcher vers Latilly, il poussa ses deux autres bataillons vers le Nord, 6e vers La Grenouillère, 5e vers Bonnes.

Le 4e bataillon, accroché un moment dans la région d'Etrepilly, réussit a atteindre Epaux-Bézu, où il se mélangea avec des éléments du 152e. La situation n'était, d'ailleurs, pas menaçante et l'ennemi n'était pas très mordant. En conséquence, le lieutenant-colonel commandant le 367e prescrivit au 4e bataillon de rallier vers Bonnes.

En fin de journée, le 367e est tout entier en 1ère ligne et occupe la situation suivante :

6e bataillon: La Grenouillère - La Remise;

5e bataillon: Mamelon N. -O. de Bonnes;

4e bataillon: (Crête ouest du Ravin de Bonnes (Cote 145);

P. C. Colonel : Monthiers.

Une partie du régiment fait face au Nord; une autre fait face à l'Est. A sa gauche, il a les éléments du 133e qui barrent la vallée du Ru d'Allan, en faisant face à l'Est (dont il a été question précédemment). A sa droite: des éléments du 152e tiennent la ligne générale, Cote 145 - Etrepilly.

b) Engagement du 356e

A 9 h. 30, le 356e est mis à la disposition du Général Marchand, commandant la 10e D. I. C.. Le 4e bataillon est dirigé sur la hauteur Nord de Château-Thierry (La Briqueterie), en renfort des troupes coloniales qui s'y trouvent.

En fin de journée, le 356e est également tout entier en ligne. Les 5e et 6e bataillons tiennent dans la région : Boqueteaux de la Cote l82 - Bois des Brulits; le colonel Lamboley, qui a pris le commandement de cette partie du front, a réussi à maintenir en ligne une partie des éléments qui avaient battu en retraite, et, grâce à l'appui de notre artillerie, il réussit à stabiliser le front Etrepilly - Bois des Brulits.

Mais, à sa droite, il n'y a rien. Un trou s'est formé entre le Bois des Brulits et les défenseurs de Château-Thierry. Fort heureusement, l'ennemi ne s aperçoit; pas de cette fissure dans notre ligne et n'en profite pas. A Chateau-Thierry même, la résistance se maintient, le soir, sur les hauteurs nord de la ville. Le 4e bataillon du 356e y participe avec les troupes de la 10e D. I. C.

En résumé, le 31 mai soir, la 73e D. I. est tout entière en 1ère ligne et ses trois régiments sont isolés les uns des autres par des troupes appartenant à quatre autres divisions.

Le 346e est en lère ligne, dans la région Passy-en-Valois - Rassy.

Le 367e est en 1ère ligne dans la région de La Grenouillere - Bonnes.

Le 356e a deux bataillons en lère ligne, dans la région de Bouresches et un bataillon en 1ère ligne aux abords de Château-Thierry.

(Voir la situation sur le croquis N° 3)

Lignes de front du 1erJuin et du 4 Juin 1918

V - Nuit du 31 Mai au ler Juin.

Journée du 1er Juin : Action des trois régiments de la 73e D. I. - Retrait des régiments voisins, engagés depuis plusieurs jours. - Situation critique du 367e R. I. à Bonnes - Manque d'appui de l'Artillerie. - La trouée entre le 346e et le 133e. 1er Juin soir.- Situation critique vers Vinly.

Le mélange de régiments de D. I. différentes devait fatalement conduire à des difficultés de commandement et à des conflits d'autorité. C'est ce qui ne manqua pas de se produire.

Le 31 mai soir, le commandant du: 7e C. A., faisant état des ordres qui avaient placé la 73e D. I. (moins le 356e R. I.) à sa disposition, se prépare à monter pour 1e 1er juin, une contre-offensive en direction de Neuilly-Saint-Front - Oulchy-le-Château. A cette attaque devaient prendre. part :

A gauche : une brigade américaine;

Au centre: les deux régiments de la 73e D. I. (346e 367e);

A droite: la 4e D. I.

En même temps, le 2e Corps de Cavalerie, à gauche du 7e C. A., devait attaquer en direction de Billy-sur-Ourcq.

Les événements de l'après-midi du 31 mai avaient rendu le succès d'une telle entreprise assez problématique. En outre, la brigade américaine s'était perdue et on ne la vit point paraître. Enfin, la situation des troupes françaises en fin de journée ne paraissait plus permettre d'escompter un succès appréciable, malgré l'énergie avec laquelle les chefs tentèrent de l'organiser.

Tandis que le commandant du 7e C.A. se disposait à attaquer, le commandant de la 43e D.I. (21e C.A.), aux ordres duquel avaient été mis précédemment les deux régiments de gauche de la 73e D.I., appelle à lui le 346e pour étayer sa ligne vers Bonnes - Monthiers. Celui-ci commence à exécuter l'ordre, et, son bataillon de droite, quittant le front Rassy - Monnes, a déjà atteint Chevillon, quand arrive le contrordre donné par le général commandant le 7e C.A. Le 346e réussit, après avoir ,échangé quelques coups de fusil avec les Boches, à se rétablir sur le front qu'il tenait la veille au soir

Ces compétitions de commandement, ces ordres et contrordres (inévitables dans le désordre où se trouvaient nos troupes jetées dans la fournaise au fur et à mesure de leur arrivée et selon l'urgence de leur intervention) n'avaient pas manqué d'attirer l'attention du général commandant la 73e D. I., dont les malheureux régiments, ballottés entre l'autorité des chefs, qui, tous, en recherchaient le concours à leur profit, étaient fatigués sans avoir rendu les services qu'on était en droit d'attendre de ces belles troupes.

Le général commandant le 7e C. A., sur la demande du général commandant la 73e D. I., organisa le commandement de la façon suivante :

A gauche: secteur de la 4e D. I. - P. C., Saint-Quentin

A droite: secteur de la 73e D. I. - P. C., Chezy-en-Orxois

La 73e D. I. recevra un régiment de la 4e D. I. ,(120e ou 147e) pour remplacer le 356e détaché vers Château-Thierry. L'artillerie, dans chaque secteur, est aux ordres du commandant de secteur.

Limite du secteur de la 73e D. I.: à gauche, ligne Neuilly-Saint-Front, Dammard - Montigny-l'Allier (ce points exclus).

A droite: Sommelans - Courchamps, Corne N.-O. du Bois de Veuilly-la-Poterie - Cocherel.

1er Juin. -

En conséquence, le Général Comandant la 73e D. I. prend, à 9 h. 30, les dispositions suivantes : Le secteur est divisé en deux sous secteurs :

Sous-secteur 346: 2 Bataillons 346.

2 Groupes d'artillerie d'appui direct (2 groupes du 11e R. A. C.).

Front Macogny - Boqueteau 1500 E.S.E. de Rassy.

Sous-secteur 367: 1 Bataillon 367

. C. I. D./73.

1 Groupe d'artillerie d'appui direct (1 groupe du 42e R. A. C.).

Front Boqueteau 1500 E.S.E. de Rassy - Ferme Hallondray.

Les éléments de la 4e D. I. actuellement sur ce front, seront relevés par le Bataillon du 367e.

Éléments réservés :

Réserve I. D.: 1 Bataillon du 346

1 Bataillon du 367.

Réserve D. I.:

l° 2 Groupes d'artillerie 239e pour concentration de feu;

2° 2 Compagnies div. Génie, 45e Bataillon R. I. T. (à Chézy-en-Orxois).-Organisation et défense éventuelle d'une position de repli.

3° Le Régiment de la 4e D. I. regroupé à Chevillon et Saint-Gengoulph.

Les trois groupes d'artillerie d'appui direct sont en position sur le grande crête Chevillon-Hautevesne, sous les ordres du colonel Beau. Les deux groupes du 239e sont à Marigny et Gandelu.

Les Allemands attaquèrent avec une grande vigueur dans la région Passy-en-Valois - Rassy, et malgré l'énergie du lieutenant-colonel commandant le 346e, ce régiment dut céder le terrain et abandonner, après une résistance héroïque, la crête qu'il tenait depuis le 31. A sa gauche, la région Troesnes - Faverolles avait également violemment attaquée et l'ennemi progressait vers La-Ferté-Milon. Ordre fut donné au 346e de tenir, coûte que coûte, front Dammard - Chevillon - Courchamps.

Plus à l'Est, le 367e, violemment attaqué sur son front se maintint, jusqu'en fin de journée, sur le mamelon N.-O. de Monthiers (cote 145). II y fut bientôt presque complètement encerclé, et y subit des pertes considérables. L'énergie de son chef, le lieutenant-colonel Maréchal, permit de retirer du feu les survivants du régiment, qui, malgré le feu croisé des mitrailleuses ennemies, put utiliser les couverts du fond du Ravin du Clignon, pour échapper à l'étreinte et se reconstituer dans le Bois de Veuilly-la-Poterie. Mais ce beau régiment a été très éprouvé et aura besoin de toute la journée du 2 Juin pour essayer de se réorganiser.

L'offensive ennemie s'était produite avec d'autant plus de facilité que l'artillerie française qui devait appuyer l'infanterie (3e Gr. portée 11e R. A. C.) était entièrement dépourvue de munitions. Ces trois groupes, ainsi que deux autres groupes du 42e R A C., étaient dans la région de Chézy - Vinly. Mais, sentant son impuissance et espérant avoir plus de facilités pour se réapprovisionner en munitions, le colonel Beau avait pris l'initiative de faire passer ses groupes au sud du Clignon. Cette initiative lui permit d'exécuter, fort heureusement et en temps opportun, les ordres du général commandant la 73e D. I.. Celui-ci avait reconnu personnellement des positions d'artillerie au sud du Clignon. Il avait ordonné à son artillerie de choisir ses emplacements de batteries dans la région Hervilliers, Gandelu, Prément, d'où elle était en excellente situation pour appuyer l'infanterie sur ses nouvelles positions. Le P. C. du général commandant la 73e D. I. était à Hervilliers.

On voit sur le terrain que, des hauteurs sud du Clignon, on domine entièrement la région où se déroulèrent les combats des jours suivants : c'était, pour ainsi dire la position que devaient fatalement. adopter le commandement pour voir et l'artillerie pour agir.

Seules les batteries du 42e R. A. C., restées en position entre Chézy et Vinly, avec le peu de munitions dont elles disposaient, soutinrent les 346e et 133e R. I.,. de midi à 17 heures.

La violence des attaques ennemies et notre infériorité en artillerie obligèrent, dans la soirée du 1er juin, à un nouveau recul et en fin de journée la situation était la suivante :

Le 346e tient entre Dammard et Chézy;

Le 133e tient entre Veuilly-la-Poterie et le Bois Belleau;

Le 367e se reconstitue: dans le Bois de Veuilly-la-Poterie;

Le 356e toujours isolé du reste de la Division, a dû évacuer la rive Est du Ravin de Bouresche. Il tient la partie sud du Bois de Belleau, Triangle : Bois de la Voie ferrée, au sud, de la Cote 201, Cote 192, où il se relie avec la ligne de combat du 4e Hussards envoyé en hâte pour combler le vide qui s'est crée à la droite du 356e. Le 3e bataillon de ce régiment est toujours à Château-Thierry.

La situation est particulièrement grave pour le 346e. Le 6e bataillon de ce régiment, en effet, débordé à gauche vers La Ferté-Milon, a dû se retirer sur le plateau N.-O. de Chézy. Le 5e bataillon s'accroche à Chézy-en-Orxois. Mais le 4e est entièrement découvert sur sa droite par la retrait du 133e vers Veuilly-la-Poterie. Le 346e fait face à l'Est. Le 133e fait face au Nord en bordant la rive sud du Clignon.

Entre les deux, l'ennemi peut pousser une pointe menaçante vers Vinly. Le ravin de Saint-Gengoulph forme un couloir qui favorise singulièrement la poussée vers Vinly, et c'est précisément en ce point qu'un trou s'est produit dans la ligne : c'est la fissure par laquelle l'ennemi va pouvoir tourner le 346e et s'emparer de la position capitale de Chézy, position qui va lui livrer la rive Nord du Clignon et peut-être lui` permettre de réaliser sa marche vers Meaux.

La situation est critique. Avec une ténacité et une énergie, dont on ne saurait trop louer chefs et soldats, chacun va s'employer à fermer la brèche, comme on pourra, et les éléments les plus variés coopéreront au rétablissement de cette situation désespérée.

On voit, en effet, à la gauche du 133e R. I., des dragons, à là sortie de Veuilly; puis le C.I.D. 73; puis les débris d'un bataillon du 120e vers la Ferme des Granges; puis les chasseurs cyclistes de la 1ère D. C. à Vinly; puis une compagnie du 346e, vers l'Arrêt du Petit Chemin de Fer (au Nord de Vinly), puis des chasseurs à pied du 9e B. C. P., et une compagnie du 147e qui se relient à la droite du 346e R. I.

Enfin, les compagnies du génie 26/53 et 26/3 organisent la défense éventuelle de la région Gandelu, Bremoiselle. Tous ces éléments disparates ont peu de cohésion et la plupart de ces troupes sont dominées par l'idée (plus ou moins sincère) qu'elles peuvent se replier "parce qu'elles vont être relevées".

C'est grâce à l'énergie de tous les chefs, qui se dépensent sans compter, qu'on arrive à leur faire comprendre qu'il n'y a pas de relève à envisager quand l'ennemi attaque, et que, dans les circonstances tragiques où l'on se trouve, à Chézy et a Veuilly, tous doivent faire face au danger sans distinction de numéro de régiment, de rang ou de temps de présence en ligne.

Il faut l'avouer, la soirée du 1er juin est le moment qui marque, avec le plus de netteté, la crise angoissante traversée par les troupes françaises lancées au-devant de la ruée allemande qui s'est précipitée dans la trouée créée dans notre ligne de bataille, à la suite de la surprise du 27 mai.

Des bataillons d'infanterie, de régiments, de divisions, des corps d'armée différents ont été successivement engagés, au fur et à mesure des besoins et aux points qui paraissent les plus menacés. Ces troupes ont fait de leur mieux, mais elles reculent depuis trois jours sans arrêt et 1e commandement est impuissant à coordonner leurs efforts pour arrêter la poussée toujours plus puissante de l'ennemi vers la Marne et vers Paris.

L'artillerie n'a pu se réapprovisionner en temps voulu, et l'infanterie, qui se trouve déjà dans une situation morale et matérielle très désavantageuse, ne trouve pas le réconfort que connaissent tous les fantassins lorsqu'on entend siffler les 75 et éclater les 155. Fort heureusement, 1a crise est relativement brève et dès le 2 juin la situation change.

Nuit du 1er au 2 Juin.

L'artillerie, en effet, a pu être ravitaillée au sud du Clignon. Dès que l'on sut que l'ennemi était entré à Hautevesne et à Saint-Gengoulph, des tirs de concentration furent effectués par les trois groupes du 11e R. A. C. de la région sud de Gandelu et les trois batteries du 42e encore en position au Sud de Chézy.

Toute la nuit, des tirs de harcèlement maintinrent l'ennemi dans une situation difficile. Il subit des pertes sévères (dont on put; se rendre compte plus tard) et son moral fut ébranlé, tandis que notre infanterie se ressaisit et comprit que la situation allait changer. Car, à la guerre, c'est souvent plus ce qu'il croit être, que ce qui est réellement, qui produit des résultats décisifs dans l'âme du combattant.

On ne saurait trop insister sur l'importance de cette action de nos canons.

Au point de vue technique, elle marque l'intervention opportune du commandement pour l'emploi de l'artillerie, et l'exécution judicieuse et heureuse par les exécutants des ordres reçus. Au point de vue matériel, elle marque le début de l'intervention efficace de notre .artillerie, c'est-à-dire la fin de la crise pendant laquelle notre infanterie lancée dans la fournaise "au plus pressé" a dû lutter souvent, seule, contre l'infanterie allemande appuyée par son artillerie et par des engins d'accompagnement puissants.

Au point de vue moral, elle marque le passage dans les âmes des combattants français d'une décision de résistance farouche, qui sera 1e plus sûr garant du succès. Chacun sent que l'heure décisive a sonné.

A la faveur de la nouvelle ambiance créée par l'intervention opportune de notre artillerie, le commandement cherche, tout d'abord, pendant la nuit du 1er au 2 juin, à remettre de l'ordre dans les éléments d'infanterie engagés.

Les éléments du 18e bataillon de chasseurs et du 147e furent retirés de la ligne de feu et rendus à leur D. I. (4e D. I.). A la 43e D. I., le 133e réoccupe Veuilly-la-Potereie où s'arrêtera désormais la gauche de la 43e D.I.. Le C. I. D. 73 repasse en réserve près du 367e, au Bois de Veuilly-la-Poterie.

Dans le secteur de la 73e D. I., la ligne est tenue par un bataillon du 120e, vers la ferme des Granges et par les Chasseurs cyclistes du 2e C. C., à Vinly. Le 9e B. C. P., au nord de l'Arrêt du Chemin de fer. Le 346e à Chézy et plus au nord. Plus au nord, le 2e corps de cavalerie tient la région l'ouest de Dammard, Montemaffoy et les Bois de Borny.

On s'organise. Efficacement appuyée désormais par l'artillerie, bien en main, confiante dans ses Chefs, l'infanterie a compris sa mission; elle brisera tous les assauts que l'Allemand va encore diriger contre elle.

Elle ne reculera pas d'un pas. Les villages de Chézy et de Gandelu jalonnent la digue contre laquelle elle brisera l'effort de l'invasion boche, et, c'est à ce titre que cette région mérite de retenir longuement nos regards.

VI -

Journée du 2 et du 3 Juin : Inébranlable résistance du 346e R. I. et du 9e B. C. P. dans la région de Chézy. - Efforts désespérés des Allemands pour percer.

Journée du 4 : Après un dernier fléchissement du front au sud de la vallée du Clignon, l'offensive allemande ne peut dépasser la ligne Bois de Veuilly - Bouresches, tenue par le 367e R. I. et le 23e R. I. américain . - La route de Paris est définitivement barrée à l'ennemi.

Journée du 5 : Réorgarnisation du Commandement - La 73e D. I. regroupée entre Chézy et Veuilly - Le 167e engagé entre Veuilly et Bois-Belleau.

Forces ennemies engagées dans l'Orxois du 31 Mai au 4 Juin.

Le 2 juin les Allemands attaquent Chézy. L'attaque s'étend de la route Dammard - Chézy à la cote 156. Ils tentent d'abord une attaque surprise à 2 heures du matin. Ils sont repoussés

A 8 heures, après un bombardement intense contrebalancé d'ailleurs par une action vigoureuse de notre artillerie, deuxième attaque allemande, deuxième échec allemand. A 10 heures, troisième attaque, troisième échec. Le 346e et le 9e B. C. P. restent inébranlables

A leur droite, les Allemands réussissent avant le jour à déloger les chasseurs cyclistes de Vinly. Des tirs d'artillerie d'interdiction sont déclenchés sur ce village et l'ennemi ne peut exploiter ce succès. Un régiment de cavalerie du 2e C. C. est envoyé à Gandelu et Brumetz pour doubler les compagnies du génie 26/53 et 26/3 qui; ont organisé ces points, dont la possession est primordiale pour barrer la Vallée du Clignon.

Le général commandant la brigade de cavalerie, de laquelle relève ce régiment, prend le commandement des troupes qui barrent la vallée du Clignon depuis Veuilly-la-Poterie, jusqu'au Bois de Brumetz. Le colonel André Simon, commandant l'I.D. 73, conservera le commandement des troupes de Chézy et environs, c'est-à-dire 9e B. C. P. et 346e R. I..

Dans, l'après-midi du 2 juin, le 2e C. C. attaque en direction de Dammard. Cette attaque réussit à reprendre ce village; mais les cavaliers ni peuvent s'y maintenir.

Les attaques allemandes reprennent sur le 346e et le 9e B. C. P.. A 16 heures, le 346e repousse brillamment la quatrième attaque allemande de la journée. A partir de 18 heures, un bombardement formidable par obus toxiques et explosifs s'abat sur Chézy et ses abords. Après avoir été entravée par nos concentrations de feux d'artillerie, une cinquième attaque se produit à 21 heures.

Elle arrive à moins de 100 mètres des positions tenues par le 9e B. C. P. et le 346e. Mais, fauchée par nos mitrailleuses, elle reflue en désordre. Le reste de la nuit est occupé par les bombardements incessants de la part de l'ennemi et par des tirs d'interdiction de notre artillerie, en particulier sur la région de Vinly qui paraît le point le plus dangereux de la position.

Le trou signalé plus haut, entre la 73e D. I. et la 43e D. I. a bien, en effet, été bouché en partie par des cavaliers. Mais la défense de la rive sud du Clignon, dans la région de Veuilly - Torcy par la 43e D. I. subit des flottements inquiétants.

Plus à droite, le 158e a évacué le Bois Belleau et le 5e bataillon du 356e, qui tenait la partie sud du Bois, a dû se conformer au mouvement du 158e. Le 6e bataillon du 356e, débordé à droite par suite de l'attaque allemande sur le 4e hussards, s'est porté par ordre sur la ligne Triangle, cote 192. Le 4e bataillon est au sud de la Marne, dans la région de Château-Thierry.

Une attaque devait, le 3 juin tenter de faire repasser du côté français l'initiative des opérations. Elle devait se produire entre La Ferté Milon et Vinly, et être menée par le 2e C. C., la 4e D. I., la 73e D.I.

Mais les Allemands devancent notre attaque, .et, après un violent bombardement réciproque, à 4 heures, ils s'élancent, à nouveau, sur le front de Chézy - Vinly. Ils sont arrêtés net par nos mitrailleuses et nos barrages d'artillerie (6e attaque, 6e échec).

Les Allemands, préparent une septième attaque avec grand luxe d'obus à gaz. Mais nos artilleurs clouent au sol l'infanterie allemande qui ne peut déboucher, et, à 10 heures, l'ennemi cesse son tir.

La journée du 4, dans le secteur de la 73e D. I. est relativement calme. Une dernière tentative d'attaque allemande sur Chézy a lieu cependant le 4 au soir, vers 21 heures. Cette tentative (la 8e) est écrasée par les concentrations de feu des cinq groupes d'artillerie de la D. I. en position aux environ de Gandelu et de Brumetz et par l'action des mitrailleuses sur tout le front de la 73e D. I.. Un coup de main (fait par une section du 346e) dans le bois au sud de Vinly fait perdre à l'ennemi 7 tués, 1 prisonnier et une mitrailleuse légère.

Dans le secteur de la 43e D. I., malheureusement la résistance n'a pu tenir avec autant de succès, et la rive su du Clignon a dû, après d'âpres combats, être cédée. L'ennemi a pris Veuilly-la-Poterie, Torcy, le Bois Belleau et Bouresches.

Le 367e R. I., en seconde ligne au Bois de Veuilly-la-Poterie, depuis qu'il a été retiré du front, à la suite de son admirable résistance de Bonnes, se trouve à nouveau en première ligne. Mais un élément nouveau intervient dans le combat. Grâce à l'héroïque résistance de nos troupes, les Américains ont eu le temps d'arriver.

L'intervention. américaine aura pour premier effet de démoraliser complètement l'adversaire. Les attaques allemandes au Sud du Clignon viennent buter entre le Bois de Veuilly et Bouresches contre le 367e R. I. français, le 23e R. I. américains et le 356e français. Le flot allemand ne franchira pas cette ligne. (Voir la situation figurée sur le croquis N° 3)

L'intervention américaine a eu, surtout, pour effet de créer à l'Armée alliée de nouvelles disponibilités en hommes et de permettre :

1° de réorganiser les D. I., avec leurs troupes organiques;

2° de donner à chaque D. I. un front moins étendu.

La répartition des divisions prescrite à partir du 4 juin soir, entre Ourcq et Marne, fut la suivante :

La division française Dillmann entre en ligne jusqu'à Chézy-en-Orxois, à droite inclusivement.

La 73e D. I., depuis Chézy, exclusivement, Clignon inclusivement.

La 67e D. I,, depuis le Clignon jusqu'au Bois Belleau

La 2e D. I. américaine, au Bois Belleau et à Château-Thierry.

La vaillance des troupes engagées et la valeur des chefs ressortent nettement de l'examen des forces adverses qu'ils eurent à combattre du 31 mai au 4 juin.

En face du front tenu par les 3 D. I. françaises (4e, 73e et 43e),attaquèrent jusqu'au 2 juin, 4 D. I. allemandes (33e, 197e, 237e, 10e). Dans la nuit du 1er au 2, la 33e D. I., entièrement désorganisée, fut relevée par la 78e D. I. (dernière division fraîche allemande du secteur entre Marne et Ourcq, qui suivait en deuxième ligne).

Mais tous les efforts de cette 5e D. I. allemande (qui arrivait toute fraîche en face des nôtres déjà éprouvées) furent vains et la 78e D. I. ne put pas passer, là où la 33e avait antérieurement échoué.

On sent que la troisième phase commence: non seulement on ne reculera plus; on ne se contentera plus d'arrêter l'ennemi par des troupes jetées en hâte aux points menacés, sans souci de la conservation des liens tactiques; mais maintenant l'ordre se rétablit; les divisions se reconstituent, leurs zones d'action se précisent, on prévoit déjà que le Boche, qui n'a plus aucune division disponible entre Marne et Ourcq, c'est "c'est cassé les dents"; les rôles ne vont pas tarder à changer; les assaillants vont être bientôt attaqués à leur tour. L'effort allemand est brisé. C'est le commencement de l'effondrement de la puissance et de l'orgueil germaniques.

VII - A partir du 6 Juin.

Les Alliés reprennent l'initiative des opérations. Offensive de la 167e D. I. et 2e D. I. américaine : Région Veuilly, Torcy, Bois-Belleau (6 Juin). Offensive de la 73e D. I. : Chézy - Vinly (7-8 Juin). Offensive de la l67e D. I. et 2e D. I. américaine : Montecouve, Bussiares, Bois-Belleau (8-12 Juin). Offensive de la 73e D. I.: Voie ferrée de Chézy - Vinly (16 Juin et 30 Juin). Organisation du terrain conquis (12-30 Juin).

Le 5 juin, calme. Les Allemands sont épuisés. Les Français réalisent la réorganisation prescrite la veille.

Le 6 juin, la 73e D. I. qui a récupéré ses trois régiments organiques (346e, 356e, 367e) tient le front qui s'étend : à gauche, jusqu'à Chézy exclusivement; à droite, jusqu'à la vallée du Clignon inclusivement.

Le 367e entre en ligne à gauche avec deux bataillons;

Le 356e entre en ligne à droite avec deux bataillons;

Le 346e en réserve entre Coulomb et Vendrest.

La 73ème D.I., regroupée,attaque le 6 Juin 1918

A droite de la 73e D. I., le 6 juin, les Américains et la 167e D. I. attaquent sur le front Veuilly-la-Poterie - Bois Belleau. Malgré les nombreuses mitrailleuses ennemis, ils progressent vers le Nord. Mais Veuilly reste encore aux mains des Allemands.

Le 7, la 73e D. I. prend part à la reprise du mouvement en avant. Les objectifs assignés par le général commandant la 6ème armée jalonnent la ligne générale : Vaux, Voie ferrée étroite, Bussières, Veuilly-la-Poterie, Vinly, Voie ferrée étroite jusqu'au Ru d'Alland.

L'attaque de la 73e D. I. sera faite par trois bataillons.

A gauche : 1 bataillon, 367e. Objectif : croupe nord de Vinly, Vinly.

Au centre : 1 bataillon, 356e. Objectif : croupe boisée nord-est de Veuilly.

A droite : 1 bataillon, 356e. Objectif : front ennemi entre Veuilly-la-Poterie et la Station. Objectif éventuel ultérieur : Eloup, Bois ouest de la halte de Montecouve.

Artillerie : préparation intermittente pour laisser l'ennemi dans l'incertitude, puis allongement et barrage roulant : Vitesse = l00 mètres en 3 mn. L'infanterie serrera au plus près du barrage avant l'heure H.

L'attaque se produit à 3 heures. A 8 heures, le bataillon du 367e s'est emparé de ses objectifs. Il a capturé 92 prisonniers et 12 mitrailleuses. Il est solidement établi au delà de Vinly et bat les pentes du Ravin de Saint-Gengoulph, en liaison à gauche avec le 4e bataillon du 367e et à droite avec le 4e du 356e.

Malheureusement, ce succès a été chèrement payé. Le lieutenant-colonel Maréchal, commandant le régiment, marchait avec ses compagnies d'assaut; il fut tué d'une balle au coeur au moment où il franchissait la voie ferrée, entraînant ses hommes à l'attaque de Vinly. C'était un chef de première valeur et un officier d'une bravoure légendaire.

L'attaque du 4e bataillon du 356e sur la crête boisée, à l'ouest de Vinly, se heurte à une forte résistance; son chef, capitaine Mitton, est blessé d'une balle de mitrailleuse. A 16 h. 15, tous ses objectifs sont atteints et la liaison à gauche réalisée avec le bataillon du 367e qui a pris Vinly. A 22 heures, une contre-attaque ennemie par le Ravin de Saint-Gengoulph est arrêtée net par les feux de notre infanterie et de notre artillerie.

L'attaque du 5e bataillon du 356e sur la Station de Veuilly réussit à atteindre son objectif et à prendre le Moulin d'Eloup. A 8 heures, ce bataillon s'organise face à Eloup, en liaison avec le 409e, à Veuilly-la-Poterie.

Le 8, la situation est améliorée à notre droite par la prise d'Eloup, par le 409e R. I. (167e D; I.), en coopération avec le bataillon de droite du 356e.

Du 8 au 11 juin, le front atteint reste fermement tenu par la 73e D. I. A sa droite, la 167e D. I. ne peut déboucher au delà de Montecouve; les Allemands, pour empêcher ce débouché, bombardent avec violence les positions dominantes atteintes par le 4e bataillon du 356e; celui-ci subit, en particulier du 9 au 12 juin, des bombardements par obus toxiques très sévères. Mais, malgré les pertes, il fait preuve des plus belles qualités d'opiniâtreté, repousse toutes les contre-attaques d'infanterie ennemie et, grâce à l'appui de son artillerie avec laquelle la liaison est très bien établie, il ne perd pas un pouce de terrain.

Enfin le 21 juin, la 167e D. I. ayant débouché jusqu'au Bois en Croissant, l'ennemi, définitivement rejeté de la Vallée du Clignon, renonce à ses tentatives quotidiennes. Au centre du front de la Division, la Voie ferrée entre Vinly et Chézy est un couvert qui peut favoriser sa contre-offensive. Il faut la lui enlever pour affirmer et maintenir les succès déjà acquis.

Un premier essai, le 16 juin, a coûté la vie au vaillant commandant de la compagnie du centre, Lieutenant Fabre, et, bien qu'ayant permis de prendre 30 prisonniers et 6 mitrailleuses, l'attaque fut refoulée par une contre-attaque ennemie.

Le 30 juin, le 367e reprend cette attaque avec un plein succès et atteint la crête jalonnée par la voie ferrée sur un front de 1.800 mètres. Les deux rives du Ravin de Saint-Gengoulph sont définitivement conquises; elles se flanquent réciproquement et leur organisation rend désormais vains tous efforts ennemis pour faire reculer nos troupes.

Le Boche n'a cependant pas désarmé, et tout fait prévoir qu'il va tenter encore un effort suprême pour obtenir le succès dont dépend le sort de la campagne. Les secteurs sont organisés en prévision de cette attaque e t les principes sur la défensive (directives Pétain de Décembre 1917) sont appliqués sur l'ensemble du front; on renonce à l'idée de 1914-1915 : "ne pas perdre un pouce de terrain", pour admettre que "le but est d'empêcher l'adversaire de passer".

En conséquence, tout en maintenant les positions conquises par une occupation solide, mais destinée seulement à éventer, à dissocier et retarder les attaques ennemies, on organise d'une façon méthodique une position hors des premiers coups de l'adversaire : cette position est jalonnée par le plateau du Charme (signal), le village de Gandelu, la Ferme des Granges.

Elle est à plus de 2 kilomètres de l'ennemi (hors de portée de ses minenwerfer); on pourra l'aménager, sans trop de pertes, méthodiquement. Elle barre solidement la vallée du Clignon. Elle sera tenue avec les deux tiers de l'effectif (infanterie et artillerie) de la division. Son organisation commence immédiatement après la prise de la ligne ferrée Vinly-Chézy.

Elle se poursuivait au moment où la 73e D. I. est relevée et envoyée au repos vers la Ferté-sous-Jouarre (1er juillet).

Les principes qui ont présidé à cette organisation avaient - enfin - triomphé des aphorismes du début de la guerre, courageux certes, mais dont 1a dure expérience des années précédentes avaient montré les dangers. Leur application en Champagne devait, le 15 juillet, assurer l'anéantissement de l'offensive du général Von Einem devant les mitrailleuses et les canons méthodiquement placés par le général Gouraud sur un terrain choisi, connu et organisé à loisir, en arrière de la première position considérée comme une zone d'avant-postes.

L'enseignement moral que nous donne l'attitude des troupes de l'Orxois est résumé par l'ordre que le général commandant la 7e C. A., adressait, le 1er Juillet 1918, au général commandant la 73e D. I. au moment où celle-ci était relevée :

"Jetée dans la bataille au fur et à mesure de ses débarquements, la 73e D. I., sous l'énergique impulsion de son chef, le général Lebocq, a contribué pour une large part à arrêter la poussée allemande au début juin. Puis, prenant rapidement l'ascendant moral sur l'adversaire, elle s'est emparée de Vinly, des bois qui l'environnent, et a contribué à chasser l'ennemi de Veuilly-la-Poterie. Enfin, elle vient d'enlever, d'un superbe élan, dans la nuit du 30 juin au 1er juillet, les organisations allemandes à l'est de la voie ferrée de Vinly à Chézy-en-Orxois, laissant devant elle un ennemi complètement démoralisé par la rudesse de ses coups.

Une troupe qui a obtenu d'aussi brillants résultats, dans un temps relativement court, peut être classée parmi les meilleures. Les chefs qui la commandent ont montré que, chez eux, le savoir était à l'unisson de l'élévation du caractère."

De telles paroles se passent de commentaires.

RETOUR VERS LE MENU DES TROUPES FRANÇAISES

RETOUR VERS LE MENU PRINCIPAL

RETOUR VERS LE MENU DES RÉGIMENTS, DES DIVISIONS ET DES C.A.