SOUVENIRS RECUEILLIS PAR M. ROLLAND SUR LES COMBATS DANS LA RÉGION D'AMBLENY DE MAI A JUILLET 1918

En 1973, D. Rolland, avant qu'il ne soit trop tard, essayait de retrouver les acteurs des âpres combats de mai, juin, juillet 1918, qui se déroulèrent dans la région, et qui marquaient l'ultime sursaut de la Grande Guerre. Les témoins, tant français qu'allemands, ont conservé de ces événements tragiques, qui s'étaient déroulés plus d'un demi-siècle auparavant, une fraîcheur dans l'évocation et une précision remarquables. Tous les témoignages se recoupent, ce qui leur confère une valeur historique. Nous vous les livrons tout palpitants de vie et d'émotion.

L'ultime tentative de Ludendorff en mai.

Nous ne possédons qu'un seul témoignage, celui du chef de section Oléon, alors sergent au 3e bataillon de chasseurs à pied, qui était articulé dans la division de fer de Nancy, la fine fleur de l'armée française. C'est une mission de sacrifice qui incombe aux 3e et 10e BCP; afin de contenir l'offensive allemande qui a crevé le front au Chemin Des Dames et qui déferle sur l'Aisne. Occupant Soissons qui venait d'être abandonné le 28 mai, et où s'infiltrent déjà des éléments avancés ennemis, les Chasseurs tiennent l'Aisne sur une ligne étirée de 5 km, avec des éléments de La Légion, du 31 mai au 2 juin. Ils sont obligés ensuite de se replier sur Pernant, sous la menace d'être encerclés. Ces missions de retardement, comme celles des tirailleurs tunisiens que nous avons évoquées, permirent à l'armée française de se ressaisir et de préparer l'offensive victorieuse de juillet 1918. Mais à quel prix: l'auteur de la lettre l'énonce avec une sobriété poignante. Les Chasseurs ne sont plus qu'une poignée de survivants. Ce laconisme spartiate est le propre des héros, des humbles acteurs de la Grande Guerre.

Témoignage du chef de section Oléon, sergent au 3e BCP.

Les troupes de réserve dont nous faisons partie sont alertées et transportées en camion-automobiles en arrière des lignes dans la journée du 27.

Le 3e BCP est à l'effectif de sept compagnies, dont deux compagnies de mitrailleuses. Il forme avec le 10e BCP la demi-brigade. Le commandant du 10e étant en convalescence, notre commandant, Jean Quillard, prend le commandement des deux bataillons. Dans la nuit du 27 au 28 nous montons en ligne. L'ordre est de marcher en direction de Soissons, de passer l'Aisne, d'aller prendre position à l'ouest de la ville et de rétablir la liaison avec...Qui?...Il n'y avait plus personne. Nous donnons dans le vide et ne trouvons que les Boches devant nous.

C'est le 28 mai au petit jour que nous arrivons aux lisières de Soissons. La 2e compagnie (capitaine Glotz) reçoit l'ordre d'aller en toute hâte vers les trois ponts de l'Aisne, chercher à les occuper, au besoin les faire sauter. Deux des ponts sont déjà occupés par les Allemands, mais la compagnie arrive à temps pour faire sauter le troisième après avoir exécuté dans les rues de Soissons d'audacieuses reconnaissances obligeant l'ennemi à repasser les ponts qu'il occupait.

Jusqu'au 31 mai les compagnies s'étirent en longueur depuis l'Aisne et prennent position aux lisières-est de la ville, jusqu'à la colline située au nord (La Montagne de Paris). Sur un front de 5 km, le 1er régiment de la Légion Etrangère, les 3e et 10e BCP ont tenu seuls pendant six jours et six nuits, sans rempart, sans artillerie lourde, sans aviation, avec une artillerie de campagne très insuffisante, sous la pression d'une armée formidable, repoussant les attaques successives des assaillants.

Du 31 mai au 2 juin nous nous trouvons aux abords de la ferme de Canivet où le peloton de pionniers du 3e BCP repousse lui aussi les attaques successives d'un ennemi de beaucoup supérieur en nombre; il n'hésite pas à contre-attaquer vigoureusement le 3 juin pour arrêter la progression de nos assaillants; puis nous voici aux abords de Pernant.

Depuis trois jours nous n'avons ni repos ni ravitaillement, et nous sommes exténués.

Malheureusement, le 3 juin, les unités voisines manquant de cran lâchent le terrain à notre droite et le bataillon est menacé d'encerclement. Il fallait décrocher. De ma compagnie (la 1ère) nous restons une poignée. Où nous trouvons-nous? Très exactement tout près de Pernant. Maintenant, les Allemands sont à quelques mètres de nous. A notre gauche, de l'autre côté de l'Aisne, nous voyons sur la route les convois allemands se succéder sans arrêt. Il nous fallait donc partir à notre tour. Sans nous préoccuper de prendre tel ou tel chemin, nous nous élançons à travers champs sous un tir de barrage des plus serrés; nous faisons des crochets, tombons dans les trous d'obus, pour arriver enfin très probablement vers Fosses en Haut.

Lorsqu'au soir de cette douloureuse journée du 3 juin les débris du 3e BCP se retrouvèrent auprès de leur commandant, le moral de tous était bien bas, mais en le retrouvant nous avions repris espoir. Vers la tombée de la nuit, le bataillon reçoit l'ordre de se "reformer" et d'attaquer en pleine nuit la ferme de Montaigu. Commandant en tête marchant en file indienne (nous devions être une trentaine), nous exécutons l'ordre donné, chassant les occupants et laissant un cadavre ennemi. Pendant toute la journée du 4 juin, dans une situation critique et sans espoir de soutien, ayant passé sept nuits entières sans sommeil, les chasseurs du 3e BCP, mes camarades ont fait preuve d'une ténacité exemplaire, se regroupant eux-mêmes pour contre-attaquer contre une pression de l'ennemi qui se faisait de plus en plus forte et que chaque heure rendait plus dangereuse; cette poignée d'hommes disséminés sur un grand front en une seule ligne, face à l'ennemi -ce qui restait du 3e BCP- s'opposa à toute avance des Boches.

Mais lorsqu'ils furent relevés dans la nuit du 4 au 5 juin, officiers, sous-officiers et hommes de chasseurs étaient absolument à bout de force.

Aujourd'hui, avec le recul, je crois même pouvoir ajouter que nous venions d'accomplir, au mieux, une véritable mission de sacrifice. Nous nous comptions 1500 le 27 mai, le 5 juin nous restions 40.

L'offensive victorieuse de Foch du 18 juillet.

L'ultime grande offensive est vécue du côté allemand et du côté français : des témoignages du colonel en retraite Walter Zimmerman et de l'ancien lieutenant Christoph Fischer d'une part, et des relations de F. Tassin, lieutenant à l'époque et de M. Houdry, sans mention de grade mais qui devait probablement être officier.

Les points de vue convergent sur un point capital: les préparatifs de l'offensive ont été si bien réglés et camouflés que l'effet de surprise a été total chez les Allemands et peut être considéré comme un élément central de la victoire.

L'attaque des unités de chasseurs a été si prompte, si bien réglée qu'elle a surpris les éléments avancés ennemis et neutralisé des batteries pourtant à l'arrière sans que celles-ci aient pu réagir. Les soldats allemands se rendent sans coup férir, du moins dans un premier temps.

C'est la première fois que des soldats américains interviennent dans le conflit, provoquant la surprise d'un des acteurs allemands. Ludendorff, justement avait ajusté son offensive, avant l'entrée en lice des Américains. La coordination entre Américains, et Français semble bien fonctionner, sous le commandement de Foch.

La tonalité des lettres est différente. Celles des lieutenants Fischer et Tassin, sont sobres, celles du colonel et de M. Houdry, s'ingénient à mettre de la couleur dans leurs témoignages, campant des personnages - Clémenceau par exemple - recourant aux dialogues, au plaidoyer. Le témoignage du colonel allemand, nous montre, qu'il a réussi à se sortir d'une situation difficile - il risquait d'être fait prisonnier avec sa troupe - en faisant jouer la corde sensible chez l'ennemi. Mais il est intéressant sur un autre point : il illustre les scènes de fraternisation que nous avons évoquées et qui sont rapportées plus souvent par les Allemands que par les Français, comme si ces derniers éprouvaient une gêne à présenter des ennemis qui occupaient le sol national, sous un jour quelque peu favorable. Notons un point curieux de vocabulaire: Les Allemands appelaient les Noirs des troupes Françaises "des Chleux", et ce même nom sera employé par certains Français pour désigner les Allemands.

Si les appels à la réconciliation des deux peuples sont très nettement affirmés par les anciens combattants allemands, on note plus de réserve chez l'ancien lieutenant Tassin : le propre exemple de sa famille montre combien les pertes subies comptent encore beaucoup, dans l'entretien d'un certain ressentiment.

Une note d'optimisme pour conclure. Monsieur Houdry rapporte comment, avec culot, en pleine offensive, il arrive à faire moissonner et à faire battre la récolte de blé de M. Rouzé : le chant de vie semble irrésistible, symbolisé par l'épi nourricier et illustre bien cette "débrouillardise" à la française qui a permis de s'adapter aux dures nécessités de la guerre.

Témoignage du lieutenant Walter Zimmerman

Commandant la 2e section de la minenwerfer-kompagnie 441 (Témoignage en français dont nous avons conservé la forme).

C'étaient les jours avant le 18 juillet 1918, entre Pernant et Ambleny, à l'ouest de Soissons, sur une colline. Là, j'étais engagé avec mes trois gros lance-mines. Quoique nous étions mis en état d'alerte, nous ne craignions rien de mal du côté français. Entre les lignes se trouvait un moulin détruit où les nôtres et les chleux (nègres) venaient à pas de loup chercher de la farine, sans qu'il y eut un accident. On l'avait surnommé "au Tourlourou".

Sans que l'on s'y attendait, au grand matin du 18 juillet 1918, l'artillerie française ouvrit un feu dispersé et les poilus attaquèrent. Nous tirâmes le feu de barrage sur les buts fixés et je l'observais.

Sans que nous nous en aperçûmes, nos positions étaient franchies. Soudain un sous-lieutenant français avec une douzaine d'hommes se trouva dans mon emplacement et me déclara que j'étais son prisonnier. Nous autres étions pas mal étonnés, ignorant complètement la situation. Moi, je passais à la contre-offensive et lui expliquais que c'était lui qui était mon prisonnier car nous étions en majorité et que les troufions risquaient une contre-offensive. Embarras, étonnement, incertitude. La situation était en vérité confuse pour nous deux. Les soldats s'assirent sur le sol et en attendant le développement nous discutâmes la situation. Pour ne pas perdre du temps, je pris une résolution et proposai une séparation honorable en bonne camaraderie, car nous deux n'étions pas responsables de la guerre et nous ne la finirions pas. Mon camarade de l'autre côté faisait la sourde oreille. Ces propos n'étaient pas acceptables et indignes d'un soldat. Un autre coup de ma part: "voyez, là bas (montrant vers l'ouest) votre bonne amie se soucie de vous, elle vous protège avec ses prières. Là bas (montrant vers l'est) la mienne, Hedie, s'inquiète aussi de moi. Voulons-nous faire du chagrin à ces deux filles ?... Non pas du tout!"

Les poilus et mes gars se ragaillardissaient. Nous serrant les mains et nous souhaitant bonne chance, nous nous séparâmes à la manière de champions après un match nul.

Témoignage du lieutenant Christoph Fisher, officier du 48e régiment d'artillerie

( traduit de l'allemand ).

J'étais alors lieutenant dans la 2e batterie du 48e régiment d'artillerie de Sachs. Nous avions installé notre cantonnement dans une grotte, dont l'entrée se trouvait dans un chemin creux, profondément entaillé, qui va de Pernant à Ambleny. D'après le haut commandement allemand, nous n'attendions pas d'attaque française, ce qui apportait un véritable soulagement pour nos unités, épuisées par les engagements précédents. Officiers et hommes de troupe dormaient profondément, lorsque je sursautais, réveillé par le feu violent de l'artillerie ennemie et des avions qui volaient bas. Il était 5 heures 30 du matin.

Je grimpais en haut du chemin creux et vis, à ma grande surprise, que la position de tir de notre batterie 9/502 sur la colline à l'ouest de Patry était déjà occupée par l'ennemi. Les sentinelles étaient prisonnières. Entre cette batterie et notre unité, l'ennemi avançait. Déjà, la fusillade résonnait dans notre chemin creux. Je vis distinctement que ces troupes étaient des Américains. C'était la première fois que j'avais devant moi des soldats américains. Leurs uniformes et leurs armements m'apparurent comme quelque chose d'irréel. Je prévenais les hommes de mon unité et, conformément aux ordres reçus, détruisis notre poste récepteur. Une caisse de papiers sous le bras, je courus avec mes hommes vers la batterie 5/48 qui se trouvait à l'ouest de Pernant. Ma caisse fut détruite à coup de fusil et je soutenais un camarade qui avait reçu une balle dans la bouche. Pendant ce temps, les lignes françaises s'étaient approchées très près de nous en direction de la ferme de Châlet. Là, les artilleurs ne pouvant plus tirer, ils se défendirent à l'aide de leurs mitrailleuses jusqu'à ce qu'ils tombent. L'infanterie ennemie atteignit la bordure du coteau boisé qui se trouvait à l'ouest de Pernant à proximité de l'Aisne. A quelque 300 m de là se dressait le poste 3/48. Je m'y rendis et nous étions juste en travers du feu de l'ennemi pour gêner leur avance. Il se retrancha à la bordure des bois. Au lever du jour, cette batterie, sur la rive gauche de l'Aisne n'était pas prise. De toute la guerre ce fut le jour où notre régiment subit le plus de pertes.

Témoignage de M. Houdry officier du 4e BCP.

Nous faisions partie de l'armée Mangin qui, avec des corps français comme le nôtre, le 20e corps de Nancy, tenait le secteur de Villers-Cotterêts jusqu'à Soissons. Nous avions avec nous les premiers éléments américains, jeunes soldats ardents qui allaient au feu pour la première fois, encadrés par des officiers français. Les ordres étaient très stricts, aucun transport de jour, défense, même à un isolé de circuler. L'artillerie prit position la nuit et en silence, un obus de réglage par batterie et le silence et un camouflage absolu. Nous savions que deux grosses pièces de marine avaient été mises en batterie dans le plus grand secret. Les Allemands ne se doutaient de rien et c'était le plus grand calme.

Brusquement, vers 4 heures du matin, deux coups de canon de marine dont les obus provoquèrent l'effondrement et l'incendie du bureau téléphonique allemand, dans un petit château sur la Vesles, puis aussitôt pour les Allemands, l'enfer. Français et Américains suivaient le feu roulant des obus. Dans le secteur de notre bataillon tout un régiment de 77 fut pris. Les officiers épouvantés ainsi que leurs hommes furent fait prisonniers et enfermés dans un réduit fait par le génie. De Villers-Cotterêts à Soissons, la surprise fut totale. Français et Américains tenaient la route de Soissons. C'est là que le lendemain, le père Clémenceau apprenant que Soissons avait été pris par des reconnaissances de chasseurs à pied du 2e et du 4e nous demanda de retirer les arbres tombés sur la route. Il voulait revoir Soissons.

Nous revînmes ensuite dans nos villages de départ. Nous habitions dans la ferme de M. Rouzé (à Coeuvres). Le plateau lui appartenait et il y avait une centaine d'hectares de blé magnifique. Je suis un vieux terrien. Equipant douze faucheuses-lieuses, je me mis en avant avec mes chevaux du bataillon, ceux du bataillon du génie à faire couper les blés. J'avais eu la chance de trouver à Ambleny un dépôt de ficelle. Les douze faucheuses coupaient, les chasseurs rassemblaient les gerbes en tas. Je venais de faire recouvrir un hangar en tôle, mais je savais que nous allions partir pour attaquer au-delà de l'Aisne. Alors, rapidement, avec toutes les fourragères disponibles, les blés furent rentrés dans les hangars. Les Allemands nous tiraient dessus avec des obus fouilleurs à tête retardée qui ne faisaient aucun dégât. Mais ce blé que je rentrais, il fallait le faire battre et je savais qu'il y avait à Ambleny une batteuse avec sa locomobile et sa courroie de cuir. En plein travail, arrive près de moi, dans une vieille carriole attelée d'un pauvre cheval, un homme médusé qui regardait et ne disait rien. "Alors, vous-êtes souffrant, monsieur ? Eh bien! répondez!"..."Monsieur je suis Rouzé, le propriétaire de ces blés. Je croyais tout perdu et je vois que vous avez tout sauvé". "Oui, mais je vais vous dire une chose, cette nuit nous irons à Ambleny chercher un bon matériel de battage tout neuf, avec ses courroies et du charbon, mais il ne faut pas faire de bruit car les Allemands ne sont pas loin, et on va envelopper les fers des chevaux avec des chiffons". Ce fut fait et le père Rouzé n'a eu qu'à faire battre sa récolte qu'il croyait perdue. Aussi, par la suite, jamais il ne venait à Laon sans venir me chercher pour un déjeuner au champagne.

Témoignage du lieutenant F. Tassin du 2e BCP.

Le bataillon se trouvait avant le 18 juillet dans une creute à Mortefontaine, avec interdiction de se montrer pour ne pas révéler aux avions et saucisses ennemis notre présence. Dans la nuit du 17 au 18 le bataillon venait prendre position le long du ru de Retz, à l'est de St Bandry. Ma compagnie, la 5e, se trouvait en avant du village au pied de Fosses en Haut.

L'attaque partit à 5 heures 30 du matin avec notre premier coup de canon, sans préparation d'artillerie. Au pas de gymnastique, nous grimpons la forte pente et en arrivant au sommet nous trouvons, au milieu des blés qui sont très haut, une tranchée où un Boche, l'arme posée à côté de lui monte la garde près d'une sape. Il est stupéfait de nous voir et lève aussitôt les bras en l'air. Les occupants de la sape se rendent et partent sur l'arrière. Nous continuons notre avance, toujours au pas de gymnastique car l'enthousiasme est grand et un quart d'heure plus tard nous arrivons, en traversant ce grand plateau au-dessus de Saconin-et-Breuil, sur les canons allemands de 77 qui, nous voyant, nous tirent à blanc dessus sans d'ailleurs nous faire de mal. Nous dépassons les canons, les artilleurs ayant été tués ou envoyés vers l'arrière et arrivons sur une creute où l'on ne sait rien de ce qui se passe. Je place un fusil-mitrailleur à l'entrée de cette creute et je m'avance en criant "herouis" (pour heraus). Il sort alors de cette caverne bon nombre d'Allemands stupéfaits qui sont recueillis par la section de renfort et nous descendons la pente sur Saconin. Des avions arrivent et nous demandent notre position, nous déployons les panneaux de signalisation. Remontant la pente, nous traversons à nouveau le plateau après nous être arrêtés en haut du ravin. Vers 16 heures, je pense, nous repartons et arrivons à hauteur de Mercin-et-Vaux, Saconin. Rapidement nous sommes sur le sommet de la Montagne de Paris, au-dessus de Soissons. Il n'y a plus de résistance, les Allemands rencontrés, peu nombreux maintenant, lèvent les bras sans difficulté. Nous descendons la Montagne de Paris, mais arrivés presque dans le faubourg de Soissons, nous recevons l'ordre de faire demi-tour et de remonter la Montagne de Paris car sur la droite, la progression a été stoppée et il y a un gros décalage dans les lignes. C'est dommage car le moral y était et si on nous avait laissé faire, Soissons était certainement pris ce soir là. Nous avions fait une avance de 15 km, fait de nombreux prisonniers, pris des canons et des mitrailleuses. J'ai dit souvent et je le répète aujourd'hui, cette journée du 18 juillet 1918 a été le plus beau jour de ma vie. Le soir du 18 juillet, nous sommes restés en position au sommet de la Montagne de Paris, devant Soissons.

Si un Allemand veut venir me voir, je ne lui fermerai certainement pas ma porte bien qu'ils m'aient pris un frère en 1915, un autre en 1940, et j'ai un frère amputé du bras droit (1914) et moi-même une jambe en moins (1918). Si on pardonne, on n'oublie pas !

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