LES VOLONTAIRES DU CORPS EXPÉDITIONNAIRE RUSSE, EN FRANCE, QUI COMBATTENT, LORS DE LA DEUXIÉME BATAILLE, DE LA MARNE, DANS LA DIVISION MAROCAINE

Lors de son voyage en Russie. en décembre 1915, Paul Doumer envisage l'envoi de 300.000 hommes en France, en échange de matériels de guerre dont la Russie avait grand besoin. La proposition française ne rencontre pas beaucoup de succès auprès du commandement russe, mais l'Empereur Nicolas II émet le souhait de l'envoi de troupes russes en France. Le Chef d'Etat-Major, le Général Alexeiev propose de le faire à titre d'essai dans les conditions suivantes : les soldats russes seront envoyés en unités constituées, encadrées par des officiers russes et mises à la disposition des Grandes Unités françaises. Ces troupes seront armées par du matériel français et seront transportées par les soins de la Marine française. Paul Doumer exprime le désir que le chiffre de 40.000 hommes par mois soit atteint rapidement.

En exécution de cette décision, dès janvier 1916, on procède à la formation de la 1ère Brigade Russe Spéciale, composée de 2 régiments le premier formé à Moscou, le 2ème à Samara (sur la Volga). Les brigades sont formées essentiellement par des bataillons de réserve, c'est-à-dire des hommes n'ayant pas subi leur baptême du feu, ce qui était probablement une erreur. Le ler régiment est composé essentiellement d'ouvriers d'usines, le 2ème de paysans, ce qui explique certains événements ultérieurs.

Les régiments sont à 3 bataillons de 4 compagnies, en outre, chaque régiment a 3 compagnies de mitrailleuses (12 par compagnie), une unité de liaison et une section de services. Le bataillon de réserve est à 6 compagnies. Les effectifs de la 1ère brigade, commandée par le Général Lokbvitzky, comprend 180 officiers et 8762 sous-officiers et hommes de troupe. La brigade a une collection d'effets d'habillement en double : chaque compagnie a sa cuisine roulante. La dotation en matériel est à la charge de la France.

Le ler échelon part de Moscou le 3 février 1916, par chemin de fer, par la Sibérie et la Mandchourie jusqu'à Dairen (Ta-Lien) et, de là, par mer jusqu'à Marseille où il arrive le 26 avril, soit un voyage de 30.000 km, dont 60 jours en mer. Le débarquement a lieu a Marseille et fait une très grande impression sur les Français : tous les journaux ne tarissant pas d'éloges sur l'armée russe. Ainsi, l'arrivée des troupes russes en France constitue un nouveau maillon des relations amicales entre les Alliés.

La formation de 3 autres brigades russes est entreprise peu après. En raison de la situation difficile, la 2ème brigade est envoyée à Salonique où elle arrive début Août 1916. La 3ème brigade est formée à Ekaterinenbourg et à Tcheliabinsk, en partie avec des compagnies des régiments en campagne, en partie de bataillons de réserve; elle est envoyée en France en août 1916. Enfin, la 4ème brigade arrive à Salonique en novembre de la même année.

Ainsi, au cours de l'année 1916, malgré l'offensive, énorme par son étendue et par ses pertes, du Général Broussilloff sur le front germano-autrichien, le Haut Commandement peut former 4 brigades spéciales, soit mettre à la disposition de la France 745 Officiers et 43 547 Hommes de troupe. La formation des 5ème, 6ème, 7ème et 8ème brigades n'est pas terminée au moment de la révolution.

L'année 1916 est, pour les Français,. une année difficile : l'année de Verdun où, rappelons-le, tombèrent 350.000 Français, soit 25 % des pertes totales françaises pendant la Grande Guerre. La 1ère Brigade Spéciale, débarquée le 20 avril, est dès le 23 avril transférée au Camp de Mailly, près de Châlons-sur-Marne, qui fut mis entièrement à la disposition des Russes. Ce camp dépendait de la 4ème Armée du Général Gouraud qui, a plusieurs reprises, prit contact avec les troupes russes et veilla a leurs besoins.

En décembre 1916, est créé dans ce camp, un Camp d'Instruction pour divers spécialistes ; c'est là, également, que viennent les troupes russes au repos et pour se perfectionner.

Le Président de la République lui-même visite le camp et est frappé par l'excellent aspect de la brigade et décore le Général Lokhvitzky de l'ordre de Commandeur de la Légion d'Honneur. A la fin du mois de juin 1916, la 1ère brigade est envoyée dans le secteur occupé par le Groupement Ouest de la 4ème Armée, à l'Est entre Suippes et Auberive.

En 1917, la conduite au feu des deux brigades est appréciée par les Alliés. En mars 1917 elles sont dans la région du Fort de la Pompelle. Lors de l'attaque "Nivelle" du 16 avril 1917, dans le cadre de la 5ème Armée, la 1ère Brigade Spéciale prend Courcy, le 3ème Brigade attaque et occupe le mont Spin. Les pertes pour les 2 brigades russes sont de 70 Officiers et 4 472 Soldats tués, blessés ou disparus.

FORMATION DE LA LEGION RUSSE D'HONNEUR

Par suite de la Révolution Russe, la Russie quitte les rangs des Alliés et les Régiments russes du Corps Expéditionnaire sont relevés du front par le Gouvernement français, reformés et transformés en compagnies de travailleurs. Le nom même de "Russe" est devenu synonyme de "traître".

Cette situation devenant insupportable, des centaines de militaires russes sous l'impulsion du Colonel Gotoua, profondément blessés dans leur orgueil national, s'organisent et demandent au Gouvernement français l'autorisation de regagner le front. Après de multiples hésitations et de pourparlers, l'autorisation est accordée pour la création de la Légion Russe.

Le 23 décembre 1917, cette unité, sous le commandement du Colonel Gotoua monte en ligne, versée dans la Division Marocaine considérée à l'époque comme la meilleure unité française. La renommée et l'héroïsme du soldat russe atteignit des sommets inégalés au sein de cette unité.

Fin mars 1918, les Allemands percent le front des Alliés du côte d'Amiens entre l'armée française et les troupes anglaises et s'engouffrent dans la brèche ainsi créée. La situation devenant critique, le Haut Commandement Français donne ordre à la division marocaine de contre-attaquer. La Légion Russe est placée en tête de troupes de la contre-attaque; les yeux de la meilleure division française sont rivés sur les Russes.

En décrivant cette attaque, l'historien de la Division Marocaine, dans son livre "Pages de gloire de la Division Marocaine", nous donne ce passage :

"'Toute la ligne semblait clouée au sol. Tout à coup un mouvement, un détachement se lève dans le vallon, se lance en avant, passe comme un ouragan entre les zouaves et les tirailleurs et, magnifique, baïonnette au canon, méprisant un feu meurtrier officiers en tête, dans son élan porte un coup si violent à l'ennemi qu'il le rejette jusqu'au "Chemin du Monument".

Qui sont ces hommes admirables qui, en poussant des cris incompréhensibles, accomplissent quelque chose qui paraissait impossible ? Ils traversent cette zone de la mort que, ni les zouaves, ni les tirailleurs n'avaient pu franchir ? Ce sont les Russes de la Division Marocaine ! "Gloire à eux"

Le Général Dauzan, Commandant de la Division Marocaine, décora le Capitaine

Loupanoff de la Légion d'Honneur et le bataillon reçut un "état de récompense". Les pertes sont sévères.

Mai 1918. Les Allemands jettent dans la bataille leurs meilleures troupes et enfoncent les lignes françaises. D'un bond, ils traversent le "Chemin des Dame passent l'Aisne et, en marche forcée, approchent de Château-Thierry. Soissons est tombée, la route sur Paris est ouverte ! Rappelée de toute urgence, la Division Marocaine occupe la position à cheval sur la route de Soissons-Paris et reçoit, la première, le coup de boutoir allemand. Les zouaves retiennent la pression ennemie mais, au bout d'un moment, commencent à céder dans leur centre. A l'instant où tout semblait perdu, le Commandement jette en attaque sa dernière réserve, la Légion Russe.

Son attaque est décrite de la façon suivante par l 'historien de la Division Marocaine :

"Pour arrêter cette avance menaçante, le Colonel Lagarde donne ordre à la Légion Russe de contre-attaquer. La Légion Russe se lance en avant, officiers en tête. Même les médecins, pris par l'enthousiasme de cette glorieuse phalange, ont oublié leur mission principale de charité et, avec les combattants, pénètrent dans les rangs de l 'ennemi. Sur 150 combattants, 110 sont restés sur la côte de Vauxbuin. Cette bataille coûte aux Russes 85 % de leurs effectifs et presque tous les officiers"

La presse française de l'époque en admiration devant l'héroïsme russe souligne le grand nombre de Croix de la Légion d'Honneur et de Croix de Guerre décerné aux combattants russes et emploie pour la première fois le terme honorifique, resté depuis attaché à cette unité en la dénommant la "Légion d'Honneur".

Après de durs combats au mois de juillet, la Légion Russe reçoit enfin pour la première fois des renforts composés de volontaires d'anciens régiments du Corps Expéditionnaire, devient un bataillon et rentre comme unité indépendante dans la Première Brigade de la Division Marocaine.

En août, elle reçoit des renforts importants et devient un bataillon avec 2 compagnies et demie de tirailleurs et une compagnie de mitrailleurs et entre comme une unité constituée dans 1a 1ère Brigade de la Division Marocaine. Ce bataillon est aussitôt dirigé au nord de l'Aisne où i1 s'empare de Terny-Sorny et progresse vers Laffaux, un des points avancés de la ligne Hindenburg.

Au cours des combats du 12 septembre, le bataillon franchit 3 rangées de fortifications en béton armé et perce la ligne de défense allemande, prend par surprise un grand nombre de prisonniers et une grande quantité de matériel.

Pour toutes ces opérations, le Maréchal Foch, Commandant en Chef des Armées, octroie au Bataillon Russe la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre et une Croix de Guerre avec 2 palmes à son drapeau, avec les citations suivantes :

"Bataillon d'élite dont la haine implacable de l'ennemi anime toutes les actions, joignant à un mépris complet de la mort le plus bel enthousiasme pour une cause sacrée. A montré un rare courage au cours des opérations de la Somme, du 26 au 30 avril 1918, contribuant par son héroïque résistance et au prix de pertes élevées à arrêter la marche de l'ennemi sur Amiens. A pris une part non moins brillante aux opérations devant Soissons, les 29, 30 mai et 2 septembre 1918, où il a déployé les mêmes qualités de sacrifice, luttant sans merci pour conserver le terrain conquis, faisant de nombreux prisonniers et capturant un matériel important" (Décision du Général Commandant en Chef du 30 septembre 1918).

La renommée acquise par la Légion Russe d'Honneur attire dans ses rangs de nombreux volontaires provenant des compagnies d'ouvriers ou même de la Légion Etrangère. Malgré es pertes, ses effectifs augmentent: au ler novembre 1918, le bataillon compte 564 hommes répartis en 3 compagnies de combat et une compagnie de mitrailleuses .

Dès le 1er octobre, les Allemands étaient amenés à évacuer toute la ligne Hindenburg et à se retirer vers la frontière. Dans ces conditions, la Division Marocaine toute entière est transportée à Nancy et entreprend le mouvement final le long de la Moselle vers Moyeuvre et seul l'Armistice du 11 novembre arrête cette opération.

Malgré cela, la Légion Russe d'Honneur continue d'exister et participe avec les Armées Alliées à l'avance le long de la rive gauche du Rhin; elle traverse la Lorraine, l'Alsace, la Sarre, arrive à Friedrickshafen, puis est dirigée sur Worms qu'elle occupe jusqu'en décembre.

A la fin de l'année 1918, la Légion Russe d'Honneur est évacuée a l'intérieur de la France et démobilisée.

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